La curiosité

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D’entrée de jeu, laissez-moi formuler une hypothèse sur votre travail actuel. Si vous êtes un spécialiste, il est fort à parier qu’une majorité écrasante de votre temps est consacrée à vous concentrer sur l’efficience de ce qui est déjà en place dans l’organisation. Vous avez une liste de tâches longue comme le bras, relativement routinière, et vous vous efforcez d’optimiser des processus que vous connaissez comme le fond de votre poche. Vous vous demandez
« comment puis-je faire cela plus rapidement pour générer plus de rendement? ».

Si vous êtes un gestionnaire, vous n’avez pas nécessairement une liste de tâches, mais vous avez certainement un livre de recettes, de méthodologies, dont les pages sont usées à la corde. Rencontres trimestrielles d’employés, rapports Excel d’activités, suivis hebdomadaires, et ainsi de suite.

Dans les deux cas, vous êtes tellement submergé que vous n’avez tout simplement pas de temps pour explorer, pour être curieux et pour vous demander

« pourquoi fais-je cela à la base? Est-ce encore pertinent? Est-ce que ce le sera encore dans 5 ans? ».

Si ça vous plaît ainsi, ce qui est tout à fait louable, ce n’est pas à vous que je m’adresse. Si vous sentez que votre job manque un petit « je ne sais quoi », qu’elle s’éloigne de votre vocation ou encore que vous n’avez pas les promotions que vous attendiez, je vous donne deux raisons d’être plus curieux en 2022.

La différence entre rebelle et fauteur de trouble

Jadis, dans le monde des affaires, la curiosité était la vertu réservée aux membres de l’exécutif, du conseil d’administration ou des consultants érudits. Plus bas dans la pyramide hiérarchique, il fallait exécuter ce qui avait été décidé plus haut, sans poser de questions. La personne qui faisait autrement était vue comme le fauteur de trouble. C’est ce qu’on appelait « une approche de gestion top down ».

Avec l’avènement de la mondialisation et du numérique, l’éclatement des spécialisations et les mouvements de fusions et acquisitions, cette approche ne peut plus exister. Du moins, les entreprises qui l’exercent encore comme dans les années 90 auront beaucoup de difficulté à s’adapter. La réalité est qu’un membre de l’exécutif n’a plus assez de visibilité sur l’ensemble de l’organisation et est trop occupé pour être le seul à être curieux… il a ardemment besoin que vous le soyez aussi. L’évolution de l’organisation ainsi que sa capacité à innover en dépendent.

Prenez un pas de recul, questionnez ce que vous faites, ce que vos collègues font, comment vous interagissez dans votre département. Soyez curieux, soyez un rebelle avec une cause.

Vous allez constater rapidement qu’il est temps de briser certaines règles qui régissent votre travail, car plus personne dans l’organisation ne sait pourquoi elles existent à la base. Elles ne sont plus adaptées à notre ère. Et si vous ne prenez pas un rôle de rebelle, vous ne permettez pas à votre équipe et vous de construire quelque chose de nouveau à la place, de plus efficace, plus fluide, plus transparent.

La différence entre expertise et expérimentation

Plus vous avancez dans votre carrière, plus vous gagnerez en expérience, ce qui aura un impact sur votre niveau d’expertise dans un domaine donné. Cette situation présente de très bons côtés : vous prenez des décisions plus rapidement, vous êtes plus crédible et vous obtenez certainement le salaire en conséquence.

Cela dit, elle comporte aussi un mauvais côté qui a été démontré dans de nombreuses études :

plus vous augmentez votre expertise, plus vous perdez votre sens de l’expérimentation et moins vous changez vos comportements.

Malgré vous, il est possible que vous vous fermiez de plus en plus aux opinions des autres, que vous croyez que vous avez toutes les réponses.  Vous allez être tenté de faire entrer tous les enjeux et projets qui se dressent devant vous dans ce moule que vous avez fabriqué au fil du temps. Bref, vous allez vous concentrer sur ce que vous connaissez déjà plutôt que sur ce qu’il reste à apprendre. Vous allez arrêter d’être curieux.

Pourtant, le monde autour de vous n’arrêtera pas d’évoluer. Même si cela peut sembler contre-intuitif, si votre expertise n’évolue pas constamment, elle peut perdre son avantage concurrentiel, devenir désuète.

Être curieux, c’est aussi garder son humilité intellectuelle tout au long de sa carrière. Continuer à poser des questions, même si on pense connaître la réponse, simplement pour continuer à voir des angles différents, nouveaux. Redevenez un novice, l’espace d’un moment!

Aujourd’hui plus que jamais, vous avez le droit d’être curieux, d’être un rebelle et de mener des expérimentations.

Bonne année 2022 à tous.

Arnaud Montpetit
Vice-Président, Stratégie